Charlottesville, révélatrice des démons de l’Amérique, par Noam Varier, étudiante en Bachelor 2
Les soulèvements de Charlottesville, au cœur de l’État de Virginie, ce 12 août dernier, se sont soldés par une tragédie. Heather Meyer, militant anti-raciste et anti-fasciste, a été renversée par James Fields au volant de son véhicule. Il est membre de Vanguard America, une organisation prônant le nationalisme blanc.
Les manifestations de Charlottesville étaient dues à la décision de la ville d’enlever la statue d’un général sudiste, le général Lee. Dans de nombreux États du Sud, ces statues restent controversées du fait du symbole raciste et esclavagiste associé à ces sudistes. Les nationalistes blancs, suprémacistes et néo-nazis, se sont rassemblés pour dénoncer une perte identitaire, de ce qu’ils estiment être la culture blanche. Pour les contrer, des militants se sont donc réunis. Les deux manifestations ont engendré de fortes violences. M. De André Harris, un afro-américain, a, par exemple, été battu avec une barre en métal. Tout d’abord, une polémique se crée autour de la police et de l’encadrement de ces manifestations. Les manifestants anti-racistes affirment qu’ils n’étaient pas en sécurité, que les policiers affichaient clairement une réticence à intervenir. L’excuse fournie pour la non application des mesures ordonnées était le fait qu’ils n’aient pas entendu le bruit des armes et de la voiture qui a percuté les manifestants, tuant ainsi Heather Meyer.
Cependant, la scène internationale, où de nombreux politiques et célébrités se sont positionnés contre les violences, s’est avant tout offusquée de l’absence de réaction de Donald Trump. Ce dernier s’est exprimé publiquement au sujet des événements au bout de deux jours et ne dénonçait pas spécifiquement les néo-nazis,
seulement la haine et l’intolérance émanant des événements, affirmant que l’on avait pu observer de la violence provenant des deux camps. Il avait ensuite condamné le mal causé lors d’un autre discours, lisant un téléprompteur.
Il était revenu par la suite sur ses déclarations, semblant défendre la cause des blancs nationalistes. En plus de son discours accusant « l’alt-left » d’avoir provoqué les violences par son agressivité, il considère qu’enlever les statues reviendrait à bafouer l’histoire, rappelant que les présidents Washington et Jefferson possédaient, eux aussi, des esclaves. Ce propos a été jugé maladroit et hors contexte, ces deux hommes ayant vécu bien avant la guerre de Sécession. Les réactions du Président Trump ont par ailleurs divisé le peuple américain entre ceux qui considéraient que ses mots n’étaient pas assez forts et ceux qui étaient satisfaits de ses dires.
De même, le Parti républicain s’est désolidarisé, certains étant choqués par le manque d’engagement de Donald Trump et lui demandant de nommer les choses par leur vraie nature. Les experts ont évoqué une séparation entre le Parti républicain et le présidant, et ont analysé la retenue de Trump comme une volonté de ne pas brusquer ses partisans, rappelant que des mouvements de droite l’avaient soutenu tout au long de sa campagne. La droite alternative, ou « alt-right », n’est pas un vrai parti mais est composée d’une nébuleuse de leaders d’opinion. Elle a pris de l’ampleur ces dernières années, portée par internet, s’inspirant de l’extrême droite européenne, et suivant le sillage du Tea Party présent dans les années 2000.
Les réactions de Trump ont néanmoins provoqué une « fuite de cerveaux ». Des industriels ont quitté leur poste de conseiller économique à l’Administration. Fustigé à l’international, par son propre parti et par les industriels, Donald Trump perd encore de sa crédibilité et cet événement marque un tournant dans sa présidence.
La mère de la victime a, quant à elle, rendu hommage à sa fille avec un message d’égalité et de partage, demandant à tous de faire preuve de tolérance pour qu’elle ne soit pas morte en vain.
Pour ce qui est des statues, la Southern Poverty Law Center (SPLC) affirme qu’il en existe encore plus de 1500 sur le territoire américain, dont plusieurs se trouvent dans des écoles publiques. Le conseil de Baltimore, pour éviter les violences, a fait retirer deux statues de nuit. Quant à Durham et Gainseville, ce sont les manifestants qui ont déboulonné et détruit les statues. Nashville a fait enlever du Capitole la statue de Nathan Bedford Forrest, fondateur du Ku Klux Klan. Dans certains États du Sud, le drapeau confédéré flotte encore et est considéré comme un symbole raciste. De plus en plus de villes le retirent de leurs bâtiments officiels.

Depuis les violences de Charlottesville, l’homme politique Aldermen demande le bannissement des armes semi-automatiques pendant les rassemblements à Chicago.
Ces efforts ont pour finalité de contrer tous ces groupes prônant la haine. Sur 85 attentats sur le territoire américain, la SPLC en décompte 65 de la main des suprémacistes. De nos jours, le Ku Klux Klan compte encore entre 5000 et 8000 membres. L’élection de Trump a permis un retour de ces groupes qui, étant déjà u problème important pour les États-Unis, devient aujourd’hui majeur. La SPLC recense, par ailleurs, 917 hate groups sur le sol étasunien, avec une concentration importante sur la moitié Est du pays.
par Noam Varier